La chapelle du fraisse

Notice historique

La Chapelle faisait partie au moyen-âge des possessions du Grand prieuré d'Auvergne de l'ordre des Hospitaliers de St-Jean de Jérusalem. Ce fief fut cédé le cinq des ides de juillet 1273 à Jourdain de Chateauneuf, abbé du Monastier Saint-Chaffre par Robert de Montepugoso, grand prieur des Hospitaliers en Auvergne.

«Guillaume étant évêque d'Anis (Le Puy) nous frère Jourdain,humble abbé du Monastier, possédant un prieuré dans la villa des Echelles, avec l'église et ses nombreux droits et dépendances, et nous...
Robert de Montepugoso, prieur de l'Hôpital de St Jean de Jérusalem en Auvergne,...
Possédant une maison ou grange,avec chapelle et terres, située dans le diocèse d'Anis, et appelée communément « del freycet »...
Voulons échanger le dit prieuré des Echelles avec la dite maison « del Freycet » parce que nous tenons pour certain,que le prieuré des Echelles est de beaucoup plus utile, plus commode et plus proche pour la maison de l'Hôpital de St-Jean de Jérusalem que la maison « del Freycet » et que la dite maison « del Freycet » est de beaucoup plus utile, plus commode et plus proche pour le monastère de Saint Théofrède. »

La maison du Fraisse ayant plus de valeur, les hospitaliers reçurent en outre quarante livres viennoises. La seigneurie ecclésiastique du Fraisse constituait le mandement du Fraisse-Loucéa qui s'étendait jusqu'au pont de la Saynta sur le Lignon (actuellement pont de la sainte,commune de Grazac), la rivière d'Auze (affluent de gauche du Lignon) la montagne de Mayns (près de Rosières) et rejoignait le loire en passant par la ville de Rosières.

Comme souvent au moyen-âge pour les contrats rédigés à distance, les limites étaient tracées à vol d'oiseau! Le mandement est la juridiction féodale qui régit les rapports entre le seigneur (qui offre sa protection) et les manants, soumis à de lourdes charges : corvées, cens et rentes en argent ou en nature. Pour établir ces charges, des terriers déterminent précisément, pour chaque parcelle de terrain, le tenancier, la localisation exacte, avec les confins, la superficie et le montant des impôts. Ces tenures paysannes formaient une manse permettant à une famille de vivre : prés, terres, jardin autour d'une maison couverte de paille, lauzes ou tuiles rondes.
Après être restée plusieurs siècles en possession des abbés du Monastier, la seigneurie fut vendue sous forme d'emphitéose devant Bertrand, notaire au Puy le 27décembre 1616 par Martin Barry, représentant l'abbé de Senecterre. L'acquéreur était Nohé Jourda, notaire royal et procureur, riche descendant de Claude Fau,lequel possédait déja, d'après le terrier de 1529, plusieurs moulins et dépendances sur le Ramel.

La famille Jourda habita le domaine du Fraisse, en ne respectant pas toujours, si l'on en croit les plaintes des habitants, une des conditions de la vente qui était d'entretenir la chapelle et le cimetière. En effet, tout au long des XVII et XVIIIème siècle, baptêmes, mariages et enterrements furent célébrés sur le site. Ainsi le 22 mai 1669, Me Malvezin, vicaire en la chapelle du Fraisse, bénissait le mariage de Monsieur Antoine de la Roque avec Demoiselle Jourda, fille de feu Nohé Jourda. Un siècle plus tard, le 13 janvier 1750, c'est le vicaire de Retournac : Me Gibert, qui bénit l'union Pradon-Peyroche, venus du Manchon et de Fontbonne. Parmi les autres prêtres cités nous trouvons messire Jerphanion, curé de St Maurice, messire Ollivier de Beauzac, messire Liogier-Laval de Maubourg : on voit que la chapelle rayonne sur toutes les paroisses et châteaux environnants.

De nombreuses familles élisaient leur sépulture dans le cimetière, qui était en principe réservé aux habitants du Fraisse : ainsi le 10 février 1708, dans son testament Marguerite Boyer, veuve de Barthélémy Fur non, de Peyre, paroisse de Retournac demande à être enterrée dans le cimetière de la Chapelle du Fraisse et pour cela lègue à Monsieur Berthon, curé de Retournac la somme de trois livres, à Monsieur Proriol, vicaire la somme de vingt sols et à Monsieur Ollivier, prêtre et chapelain du dit Fraisse la somme de deux livres.

Le fils de Nohé : Jean Jourda (également notaire royal) acheta le château de Vaux à Paul d' Apchon le 24 octobre 1653, il avait épousé Claire de Pastural de Beaux, il fut anobli en 1678, il est l'ancêtre de Noël Jourda de Vaux, maréchal de France, pacificateur de la Corse (1769).

Après la révolution, les prés entourant le monastère qui appartenaient encore à l'abbaye du Monastier furent vendus comme biens nationaux, la jouissance de la chapelle et du cimetière laissée aux habitants du Fraisse Haut et Bas. Le neveu et héritier du maréchal, devenu citoyen Noé Jourda Vaux délaissa le domaine qu'il vendit en 1791 au citoyen Jean Chevalier, négociant à Yssingeaux pour la somme de 95 000 livres, valeur en assignats.

Bien que la chapelle du Fraisse ait souffert des troubles de la Révolution (les statues des saints, tableaux et vases ont disparus) des offices ont encore été célébrés dans les premières années du XIXème siècle, et de nombreuses personnes y furent enterrées tout au long du siècle. Jusque dans les années 1950, une grande pierre tombale placée à l'entrée du cimetière, la tombe dite de Sainte Michelle (la toumbo de santo Mecchialo) était le but d'un pèlerinage : on pouvait voir les mères y apporter leurs jeunes enfants qui avaient des difficultés pour apprendre à marcher.

La chapelle vue d'en haut

Description

La Chapelle du Fraisse est de style roman. La porte principale d'entrée est cependant en ogive. Elle a une longueur de 14 m 60 sur une largeur de 7 mètres. La hauteur sous voûte est de 6 m,50, les murs, bâtis en un mortier très dur ont une épaisseur de 1m,30. Le chœur est en contrebas du terrain de deux marches.

Elle possède deux portes d'entrée, l'une principale sur la façade, l'autre latérale, côté couvent. L'éclairage est assuré par deux fenêtres de deux mètres de hauteur, mais très étroites, et à larges embrasures, l'une à l'abside, dans l'axe de l'entrée principale, l'autre à l'extrémité du mur gouttereau sud.

Le vaisseau est rectangulaire, la voûte en berceau. Au dessus de la façade s'élèvent trois élégants clochetons à capitaux de style roman dont l'un se superpose aux deux autres. La chapelle ne possède plus de toiture, une porte percée côté nord, c'est à dire vers le prieuré donne entrée au dessus de la voûte vers le clocher.
Le cimetière entoure la chapelle de tous côtés sauf au nord est où se trouvent deux pans de murailles qui sont les restes du prieuré qui faisait 18 mètres de long sur 8 de large.

Annexe 1 : les hospitaliers

A leur arrivée à Jérusalem, en 1099, les croisés trouvent à quelques pas du Saint Sépulcre, des religieux habillés de noir, s’activant autour des blessés. Une trentaine d’année auparavant,des marchands d’Amalfi, près de Naples, avaient obtenu des califes d’Egypte une concession dans la partie chrétienne de la ville pour établir un hôpital, au service des pauvres infirmes « Nos seigneurs les malades ». La première réalisation des Hospitaliers était donc un hospice placé sous la direction du frère Gérard et sous la protection de Saint Jean Baptiste.

En 1113 le Pape Pascal II approuve l’institution de l’Hopital comme Ordre religieux. Ce texte papal provoqua de multiples donations en faveur de l’Ordre des Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem. Celui-ci créa rapidement dans toute la Terre-Sainte d’autres hospices.

Le successeur de frère Gérard, Raymond du Puy (un Dauphinois) ajouta aux trois vœux monastiques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance et à l’obligation de se consacrer au service des malades l’engagement, pour l’Hopital, de défendre ses institutions et de combattre les ennemis de la foi catholique . L’Ordre de Saint Jean de Jérusalem ne fut pas la seule organisation charitable de l’époque, mais la persistance de ses installations, tant en Palestine qu’ultérieurement dans les îles de Rhodes, puis de Malte, en fit la première institution hospitalière internationale.

Les premières possessions des Hospitaliers en dehors de la Terre-Sainte furent situées en France. Notre pays fut celui qui donna le plus grand nombre de membres à l’Ordre jusqu’à la révolution et sur soixante dix-huit Grands-Maîtres, quarante furent français. La France comptait six grands prieurés et deux cent soixante-six commanderies, soit plus du tiers du nombre total des commanderies de l’Ordre. Ces biens de l’Ordre étaient placés sous l’autorité d’un Frère chevalier, le Commandeur qui surveillait l’exploitation des domaines, distribuait les aumônes, assistait les pèlerins pauvres ou malades. Il était chargé d’envoyer, chaque année, au Grand-Maître, le reliquat des fonds de la commanderie.

Depuis 1798, l’Ordre des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, dit de Rhodes, dit de Malte, poursuit exclusivement sa première mission d’aide et de secours auprès de ceux qui souffrent. Les Œuvres Hospitalières Françaises de l’Ordre de Malte, reconnues d’utilité publique depuis 1928, assurent aujourd’hui ce combat permanent contre la maladie et la misère.

Les hospitaliers Les hospitaliers batisseurs Les hospitaliers en prière Les hospitaliers quêtent

Annexe 2 : l'Abbaye du Monastier

L’abbaye du Monastier porte le nom de Théofrède ou Chaffre, moine et abbé du lieu, auquel la tradition et la légende prêtent un martyre glorieux. Il s’agit d’une très ancienne fondation monastique, probablement d’époque mérovingienne. Restaurée à l’époque carolingienne, sous l’empereur Louis le Pieux, elle adopta alors la règle de saint Benoît de Nurcie, diffusée en Gaule par Benoît d’Aniane. Elle sera encore réformée au premier tiers du Xe siècle, sous l’impulsion d’un personnage célèbre, l’évêque Godechaud (Gotescalc), le même auquel on attribue l’initiative du pèlerinage à Compostelle.

Très influente en Vivarais, en Gévaudan, dans les vallées du Rhône et de la Drôme, en Dauphiné, en Rouergue, dans le Comtat et jusqu’en Piémont, elle subit au plan local les durs effets de la concurrence ecclésiastique avec d’abord les puissants évêques du Puy, puis les futures abbayes de La Chaise-Dieu, de Mazan et la chartreuse de Bonnefoy. Bien servie par les deux longs abbatiats des abbés Guillaume III (1074-1086) et Guillaume IV (1086-1134), l’abbaye connut alors une véritable période d’apogée où elle étendait son influence sur plus de 265 prieurés, églises, chapelles et autres fondations réparties dans le quart sud-est de la France, le sud-ouest et le Piémont. C’est l’époque de la rédaction du précieux Cartulaire et de la reconstruction de l’église abbatiale.

Durant tout le Moyen Âge, la chaire de Saint-Chaffre sera occupée par les fils de l’aristocratie locale et ses abbés figureront avec les officiers abbatiaux parmi les premiers féodaux du Velay. Confrontée aux contraintes économiques de l’époque et aux luttes d’influence, l’abbaye perdra peu à peu de son lustre. Occupée et pillée par les Routiers (1361-1362), l’institution éprouvera alors de graves difficultés et ne se remettra que lentement. Les abbatiats successifs de Vital Erailh (1436-1492) et de François d’Estaing (1492-1504) seront l’occasion d’une véritable embellie. Après eux, l’instauration du régime de la commende conduira lentement la vénérable abbaye vers un destin inexorable. Le coup fatal lui sera porté par la Révolution ; les moines sont dispersés et les biens, déclarés biens de la Nation, cédés aux plus offrants.

Des longs siècles de l’histoire de l’abbaye et malgré des pertes irréparables, nous conservons un riche patrimoine, regroupé autour et dans l’église abbatiale à la belle façade polychrome : un riche trésor (buste reliquaire de saint Chaffre), un des plus anciens buffets d’orgue de France (1518), etc.